La Quinzaine de la Poésie Féminine est une série d’activités virtuelles visant à valoriser la création littéraire des femmes, notamment la poésie à travers le monde. Pour ce deuxième jour de ce grand festival, nous vous proposons de découvrir Marilyne Bertoncini, poète, traductrice, revuiste et critique.
Pour Hypatie d’Alexandrie (trois extraits d’un travail en cours)
Et les mondes encore roulent sous ses pieds blancs !
Charles Marie Leconte de Lisle
1 –
Une pierre minuscule porte ton nom
Hypatie
le sais-tu ?
un fragment de comète morte une miette
de son coeur
rocheux
parvenue jusqu’à Terre des millions d’années
avant que tu ne
naisses
Un nodule formé de poussière stellaire
d’avant même la naissance du soleil –
ce Dieu de l’Egypte où esprit libre tu vécus
flambeau de la sagesse grecque
dans la chrétienne Alexandrie –
quelques grammes de diamant et de carbone pur
désirant dans le sable du désert
qu’on le découvre à mon époque
des siècles après que tu
sois morte
2 –
Hypatie d’Alexandrie
Ton nom à mon oreille bruit
vol blanc qui cisaille le ciel d’un souffle chuchoté
c’est la chouette effraie dont le visage en cœur
plana une nuit étoilée au-dessus de ma tête
comme un silence audible
Hypatie
je pense à toi
Est-il comme le tien ce visage pensif
aux yeux profonds comme la nuit
sur une tablette du Fayoum ?
Est-ce l’androgyne silhouette
dans le manteau des philosophes
de la fresque du Vatican?
Je ne connais pas Alexandrie
ni tout le trouble de l’époque
où tu vécus
où tu mourus
3 –
En rêve je me promène
dans l’Alexandrie d’autrefois
je suis tes pas de blanc fantôme
Les voiles des bateaux au port
sont des linceuls pour le ciel mort
et le vent souffle dans les mâts
comme des flûtes de tibia
C’est un jour clair couleur de chair
dans l’aurore qui ourle à peine
les silhouettes des palais
entre ocre et chaux
marbres et ors
tout assourdis encore
attendant d’exploser
dans la pleine lumière du jour
et ton pas claque sur la pierre
comme étincelle de silex
ton pas pressé d’oiseau phénix
ignorant de son avenir
Tu as observé les étoiles
tu sais combien le monde est vaste
et l’univers est infini
brassant les jours comme les nuits
Vers quel destin t’en allais-tu
le jour où tu fus sacrifiée?
À PROPOS DE L’AUTEURE :
Marilyne Bertoncini : poète, traductrice (anglais-italien), revuiste et critique, membre du comité de rédaction de la revue Phoenix, codirige la revue numérique Recours au Poème. Docteure es lettres,
Elle est publiée dans diverses revues littéraires ou universitaires, françaises et étrangères et ses poèmes sont traduits en anglais, italien, espagnol, allemand, hébreu, bengali, et chinois. Elle anime aussi des rencontres littéraires, pratique la photographie et collabore avec artistes et plasticiens.
Dernières publications – traductions : Ennuage-moi, Carol Jenkins ( River road Poetry Series, 2016), Memoria viva delle pieghe (autotraduction, PVST? 2019) Tony’s blues, de Barry Wallenstein, avec des illustrations d’Hélène Habbot-Battista, éd. PVST, à paraître, avril 2020. Recueils personnels : Sable, sur des gravures de Wanda Mihuleac, Transignum, mars 2018, Mémoire vive des replis, éd. Pourquoi viens-tu si tard?, 2018, La Noyée d’Onagawa, éd. Jacques André, à paraître mars 2020.
Site : Minotaur/A
Fiche biographique complète sur le site de la MEL :