La Quinzaine de la Poésie Féminine est une série d’activités virtuelles visant à valoriser la création littéraire des femmes, notamment la poésie à travers le monde. Pour ce quatorzième jour de ce grand festival, nous vous invitons à découvrir Pascale Barraud, à travers ses deux poèmes : « Sidération » et « Sillon ».
Sidération
Au plus grand froid de ma vie
Mes chairs se congelèrent
Plus rien, ni sucs ni pensées
N’y pouvaient circuler
Je vivais à l’ère glacière
Et mes yeux étaient banquise
Les oripeaux du malheur
Cadençaient la tempête
En battant sans fin
Les jours asphyxiés
Saturés d’épouvante
Qu’il est long
Le temps de l’effroi
Qu’il est solitaire
Le déchirement
Comme elle enferme
La pensée impensable
Menottes au cœur
Je traversais les saisons
Sans n’en rien savoir
Que l’empêchement
De les connaître
Qu’un rai de printemps
Transperce pareilles congères
N’était pas envisageable
Vous me l’auriez dit
Je vous aurais ri au nez
Pourtant –
Oh sans forfanterie
Sans certitude
Sans flonflon
Sans oriflamme
– C’est arrivé
Et c’est Sidération
Sillon
Je sais le sillon
Du silence
Qui creuse
Jusqu’aux ossements
De la terre-chair
Qui débite l’espoir
En fines lamelles
Fines fines
Si fines
Qu’elles ne résistent pas
Aux souffles contraires
Qui tourbillonnent
En nous
Hors nous
Qui rendent fou
Qui rendent fou
De cette folie commune aux hommes
Que chacun tait
Au fond de soi
En silence au fond de soi
Étouffée en papier de soie
Si beau
Si lisse
Si clinquant
Je sais comment bien cacher
Sa misère
Chacun au fond de soi
En atours de soie
Je sais le rire mauvais
Du silence
Le rire mauvais
Qui rend sourd
Sourd et aveugle
Au mystère d’être
Sourd aveugle
Et muet
Au mystère d’être
Sourd
Aveugle et muet
Et muet de pensée
Je sais l’anéantissement
Du silence
Qui nous enlève du monde
À PROPOS DE L’AUTEURE :
Pascale Barraud est née dans un petit village paysan en bourgogne du sud. Profondément enracinée dans sa terre natale, elle en explore toute la mémoire à travers l’écriture mais aussi le théâtre qu’elle a expérimenté en tant que comédienne, formatrice et metteur en scène.
Le théâtre et l’écriture sont intimement liés chez elle. Deux façons de s’exprimer par les mots en tentant de leur redonner leur juste sens s’il en est.
Si la poésie est le mode d’expression nécessaire à son souffle, elle écrit également des nouvelles, pièces de théâtre et romans. Couronnés par plusieurs prix, ses écrits sont parus dans nombre de revues littéraires telles que : La Quinzaine Littéraire, Le Cerf-Volant, Phréatique, Le Vilain Petit Canard, Lichen, les Cahiers de Saint Germain des Prés, etc.
Elle met régulièrement ses deux passions au service de causes qui lui tiennent à cœur : les droits humains et la préservation de la planète.
Elle fait sienne cette déclaration de Louis Calaferte : « Le devoir de l’art c’est de fracasser les consciences ».